Ceci est un avis de lecture: L’amour et les forêts, écrit par Éric Reinhardt.
Le livre a été publié en 2014 chez Gallimard. Acheté et oublié dans ma bibliothèque depuis lors, c’est à l’occasion de son adaptation au cinéma que j’ai entendu l’auteur et la réalisatrice être interviewés par Augustin Trapenard au cours d’un épisode de La Grande Librairie dédié au festival de Cannes 2023.
L’emprise qui est le sujet de fond est un thème qui m’est cher car il concerne nombre de mes client.e.s.
C’est donc dans ce contexte que j’ai lu le roman avec l’idée de voir le film ensuite. Il ressort de ma lecture le texte ci-dessous écrit d’un seul jet dans une salle d’attente.
Ce n’est pas juste son mari qui a “abandonné” Bénédicte Ombredanne. C’est toute sa famille, sa sœur jumelle, ses enfants, ses collègues, le système. Personne n’est intervenu. Personne n’a rien fait. Même l’auteur (Éric), même l’amant d’un jour (Christian), l’ont laissé tomber. Cette femme a été littéralement abandonnée; et elle s’est abandonnée au même titre qu’elle abandonne tout et chacun autour d’elle. C’est une histoire d’abandon général, à la fois collectif et personnel. Il n’y a pas eu de “surrender”, quelle erreur de le croire. Il y a l’absence de volonté de se battre, pour soi-même, ou pour l’autre. Une vacuité abyssale de dignité, d’action et de fraternité. Bénédicte Ombredanne évolue dans la fausseté, le mensonge, le faux-semblant, le déni, la passivité, au point d’en périr. Au fur et à mesure du livre, on fait face, sans exception, à une succession d’êtres faibles, faussement aveugles et respectueux, faussement légitimes dans leur manquements. À ce titre, le manque de courage qu’ils partagent tous est désolant. On lit la misère humaine. Même bien écrite, c’est pauvre de bonté, de beauté et d’espoir. On nous livre la désolation et le piètre de l’humain sur fond d’érudition littéraire.
Le livre a pourtant plu. Au delà de l’adaptation cinématographique de cette année, lors de sa publication, il a reçu le prix Renaudot des lycéens, le prix roman France télévisions et il a été élu meilleur roman français selon le magazine Lire.
Le sujet de fond quant à lui est toujours d’actualité. La semaine dernière, comme le rappelle Andréa Bescond dont le courage est une vraie source d’inspiration, c’est trois féminicides qui ont eu lieu en France, en une seule semaine. Trois femmes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint. “Un triptyque” qui, comme elle le souligne, n’a pas été relevé par les médias.
Pour ma part, je questionne l’intérêt d’une histoire sans morale. Je prends donc la liberté d’en proposer une à celle qui manque cruellement dans ces quatre cents et quelques pages:
Il faut défendre, il faut s’interposer, il faut se battre pour celles et ceux en danger qui ne peuvent pas ou ne savent comment faire. Tant que nous restons spectateur / lecteur passif, il y a non-assistance à personne en danger.
Mahé